De moi, vous dire..

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Paris, France
Ma vie, c'est du bonheur à ne plus savoir qu'Enfer. Journaliste littéraire et culturelle pour le BSC News Magazine, je suis une passionnée, amoureuse de la vie et boulimique de mots. Ceux que je dévore à travers mes très nombreuses lectures, et ceux qui se dessinent et prennent vie sous ma plume. Je travaille actuellement à l'écriture d'un roman, d'un recueil de poèmes ainsi que d'un recueil de tweets. A mes heures perdues, s'il en est, j'écris des chansons que j'accompagne au piano. Mon but dans la vie ? Réaliser mes rêves. Work in progress... LES TEXTES ET POÈMES PRÉSENTS SUR CE BLOG SONT PROTÉGÉS PAR LE CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE (COPYRIGHT).

17 août 2012

Chronique 'L'élégance du hérisson', Muriel Barbery




« Le cœur et l’estomac en marmelade, je me dis que finalement, c’est peut-être ça la vie : beaucoup de désespoir mais aussi quelques moments de beauté, où le temps n’est plus le même. C’est comme si les notes de musique faisaient un genre de parenthèse dans le temps, de suspension, un ailleurs ici même, un toujours dans le jamais. Oui, c'est ça, un toujours dans le jamais. (...)
La beauté dans ce monde »


Renée a 54 ans. Elle dissimule son intelligence, ses lectures philosophiques et son goût pour le cinéma japonais derrière une vie modeste et solitaire, son manque d’amabilité, et sa télévision où défilent les programmes les plus ineptes. Elle est la concierge d’un immeuble bourgeois au cœur de Paris, dans lequel elle vit avec son chat.
Paloma a 12 ans et habite l’immeuble en question au 7 rue de Grenelle, dans une famille aisée. C’est une enfant exceptionnellement intelligente, pourvue d’une grande sensibilité, qui nourrit des interrogations existentielles ordinairement réservées aux adultes. Elle vit avec ses parents et sa sœur, des êtres qu’elle décrit comme « virtuellement riches » car superficiels et imperméables à tous types d'émotions.
Paloma se sent incomprise et ne veut pas de ce monde dans lequel elle voit les adultes s’ébattre péniblement, pris au piège de leur incapacité à construire le présent qui les pousse à toujours tout remettre au lendemain ; un lendemain qui finalement n’arrive jamais puisqu’il finit par devenir présent. Paloma a donc pris une décision : « (...) à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, le 16 juin prochain, je me suiciderai. » En attendant, elle trouve un peu de réconfort dans l'écriture.
Les deux récits - celui de Renée et de Paloma - s’entrecroisent au milieu de longues et passionnantes digressions philosophiques et questionnements métaphysiques auxquels se livrent les deux femmes, qui souffrent chacune à leur manière dans l'indifférence la plus complète. C'est un peu tardivement que les solitudes de ces deux êtres finiront par se croiser et s’unir, grâce à l'arrivée d'un nouvel habitant dans l'immeuble - Ozu, un japonais riche et cultivé - qui viendra redonner aux deux femmes le goût du bonheur et de la vie.
Si ce livre a suscité les éloges les plus flatteurs comme les critiques les plus acerbes, je me placerai pour ma du côté des éloges, même si je comprends bien volontiers ce qui a pu déranger certains lecteurs. "étalage de culture", "prétention", "clichés"... Certes, Muriel Barbery n'y va pas de main morte avec les réflexions et les références culturelles, au point qu'on peut parfois avoir du mal à ne pas perdre de vue Paola et Renée derrière ce "trop-plein" d'intelligence. Et si cela peut donner un ton un peu pédant au récit et décourager le lecteur qui aspirait à un moment de détente, j'ai trouvé que, loin de rendre cet ouvrage inaccessible, cela lui donne une profondeur très intéressante. J'y ai vu une véritable occasion d'enrichissement personnel et de réflexion. Au fil de ma lecture, j'ai noté bon nombre de phrases qu'il m'arrive de relire pour y puiser un peu d'espoir, de douceur et de réconfort.
Si cet ouvrage est, je crois, à la portée de tous, c'est qu'on peut y déceler plusieurs niveaux de lecture. Chacun trouvera le sien, et s'il est parfaitement possible d'apprécier l'histoire sans comprendre toutes les références culturelles qui s'y trouvent, une seconde lecture peut néanmoins être bénéfique pour bien saisir toutes les nuances du récit et creuser ce qui a échappé à notre compréhension.
C'est un livre qui nous parle de la vie, de sa grisaille, des réalités les plus pénibles : « Il ne faut pas oublier que le corps dépérit, que les amis meurent, que tous vous oublient, que la fin est solitude. » Mais il nous parle aussi et surtout de toutes ces petites éclaircies, de ces rayons de lumière qu'il faut sans cesse traquer pour ne pas perdre espoir. L'Art, notamment, y est défini comme source ultime de beauté et de bonheur, loin de la convoitise humaine qui nous plonge dans une permanente insatisfaction.
Finalement, il semblerait que l’intelligence - par la conscience éclairée des choses et la tendance à la réflexion qu'elle permet - facilite l'accès à la souffrance morale. L'intelligence qui, Muriel Barbery nous le rappelle avec ce livre, est une maladie qui peut toucher les pauvres petites filles riches comme les gardiennes d'immeubles pas franchement jolies et antipathiques ! Ouf !...
C'est évidemment sur ce second point que les critiques négatives s'accordent. En tentant de tordre le cou à certaines idées reçues, l'auteur saute à pieds-joints dans d'autres clichés socio-culturels un peu irritants. Dommage ! Mais L'élégance du hérisson (un titre à première vue étrange mais qui prend tout son sens au fil de la lecture) n'en reste pas moins un livre émouvant et amusant qui, derrière une apparence un peu sophistiquée et un langage intellectuel, nous ramène finalement aux choses les plus simples et les plus belles. 
Mélina Hoffmann

Chronique publiée dans le BSC News Magazine de Juillet-Aout 2012 (pages 94-95)

9 août 2012

Chronique 'Le ventre vide, le froid autour', Les fille du calvaire


« Je ne sais pas où l'anorexie cesse et où je commence. Où elle prend sa source et où je m'assèche. J'ignore ce qu'il restera de moi après elle. Certaines nuits me travaille l'idée qu'il est des combats à ne pas remporter, sous peine de ne plus avoir de raison de rester en vie. »
Lucie, Véronique, Claire, Anne-Laure et Aurore : cinq jeunes femmes âgées de 20 à 30 ans qui ont réuni leurs plumes pour témoigner d’un même mal qui les ronge. Cinq jeunes femmes qui ont accepté de mettre des mots sur ce dont elles souffrent en silence depuis trop longtemps, ce calvaire quotidien dans lequel elles tentent de survivre, jour après jour ; sur leurs vies entre parenthèses. Cinq jeunes femmes pour lesquelles les compagnes les plus fidèles s’appellent Anorexie et Boulimie.
Des mots qui font peur, des mots qui - trop souvent encore - font fuir, dégoûtent même. Des mots derrière lesquels, pourtant, se cachent souffrances, angoisses, solitude, colère, jusqu’au désir d’en finir parfois, et d’autres fois sans que le désir ne s’y invite… « Sans relâche, je dois me battre contre moi pour me sauver d'un précipice où je me jette. »
Ce projet de témoignages croisés est né dans un hôpital il y a cinq ans, à l’initiative de deux amies dont l’une d’elles, emportée par un arrêt cardiaque des suites de la maladie, ne verra jamais l’accomplissement. « La vie est fragile, la sienne ne tenait qu'à un fil. On ne m'avait donc pas menti, on peut mourir d'avoir eu faim d'une autre vie. »
Chacune de ces jeunes femmes nous livre sa propre expérience, son rapport personnel et intime avec la maladie.
Nous y découvrons la colère, la rage, la culpabilité, la honte, les rêves de lendemains meilleurs, le froid qui les habitent. Mais, plus surprenant encore, nous découvrons cette envie de vivre. Car, à l’inverse de ce que l’on serait tenté de penser, l’anorexie et la boulimie ne sont pas pour ces filles une façon de se détruire, mais bel et bien le seul moyen qu’elles ont trouvé pour se sauver, pour vivre - en attendant mieux - dans un monde dans lequel elles se sentent à l’étroit, ne trouvent plus leur place. « (...) subsiste en moi, quelque part, errante, la fille à qui l'on avait tant promis. »
La nourriture devient alors une façon d’exister au monde, un refuge, un langage pour dire à qui se donnera la peine d’essayer de le comprendre :
« J'ai mal de moi. »
Ces témoignages d’une bouleversante sincérité et empreints d’une surprenante douceur, nous décrivent ce rapport au corps si douloureux et insaisissable pour qui n’y a jamais été confronté. Des témoignages dont le but est également de réduire à néant les préjugés qui entourent la maladie. Car non, anorexie n’est pas forcément synonyme de maigreur excessive. Non, l’anorexie n’est pas la conséquence d’un régime qui a mal tourné. Non, s’en sortir n’est pas une simple question de volonté. Non, il ne faut pas être faible pour en être victime.
L’anorexie et la boulimie sont des maladies extrêmement violentes et sournoises qui, par l’illusion provisoire de contrôle et de confort qu’elles procurent, parviennent à piéger les personnes les moins vulnérables à priori, les plus combattives, les plus radieuses.
« Ce n'est pas une question de poids, de quantité, de matière grasse, de miroir, d'os. L'anorexie m'a coupé l'appétit pour une vie entière. »
Pour Lucie, Véronique, Claire, Anne-Laure et Aurore , et tant d’autres femmes et hommes confrontés à la maladie, s’impose pourtant la nécessité de garder le goût de vivre, malgré tout ; trouver en ce corps épuisé la force de se battre, de ne pas céder aux instants de découragement, inévitables. « Je n'en peux plus, de ce passé qui court après moi, de ce présent que je ne saisis pas. » Car la boulimie et l’anorexie sont des maladies épuisantes en cela qu’elles nécessitent un combat de chaque jour, de chaque instant, puisque l’objet du mal – la nourriture – est toujours présent, impossible à tenir à distance.
Un livre touchant et terriblement nécessaire. Ces jeunes femmes sont de véritables exemples de courage et l’on souhaite à chacune d’elle de parvenir au bout de cet effroyable combat.
Mélina Hoffmann
Chronique publiée dans le BSC News Magazine de Juillet-Aout 2012 (pages 92-93).

3 août 2012

Poème, 'Nuit d'ivresse'


Je veux des rendez-vous secrets
des nuits passées à s’enivrer

Je veux des heures où l'on s'égare,
d'autres envies, d'autres regards

Je veux la raison qui s’absente
et des prétextes qu’on s’invente

Je veux ces instants de délice
dont le désir se fait complice

Je veux des mains qui se retiennent
deux peaux brûlantes qui s’apprennent

Je veux les sourires silencieux
préludes aux enlacements fougueux

Je veux des baisers dans le cou,
des soupirs à s’en rendre fous

Je veux des corps qui s'électrisent,
d'autres décors où l'on s'épuise

Je veux des envolées fiévreuses
et des escapades audacieuses

Je veux des doigts qui me parcourent
des intrusions que je savoure

Je veux l’ivresse, des draps froissés
caresses auxquelles m'abandonner 

Je veux atteindre l’absolu
de l’amour qui se met à nu

Je veux des langues qui s’aventurent
là où tout n’est plus que luxure

Je veux la magie débordante
de l’excitation qui nous hante

Je veux la volupté d’un corps
qui sans retenue me dévore

Je veux frissonner et gémir
oser les mots qui font rougir

Je veux le délicieux supplice
de nos sources qui se tarissent

Je veux des lèvres qui s’embrasent
et du plaisir jusqu’à l’extase

Je veux des instants de vertige
lorsque l’ensorcelé s’érige

Je veux succomber au désir
goûter au précieux élixir
 
Je veux l’attente délicieuse
d’autres étreintes langoureuses

Je veux le souvenir bouillant
du désir fou de deux amants.

Mélina, Août 2012